Elle portait bien son prénom, Constance. Toute sa vie avait été régi par la recherche de stabilité. Par exemple elle s’était orientée vers des études de médecine, plus par assurance d’un métier stable et d’un confort financier que par réelle conviction. Et même maintenant, alors que tout ce qu’elle avait soigneusement construit s’était détruit suite à l’invasion de ces créatures, elle s’obstinait à instaurer un souffle de stabilité qui s’opposait irrémédiablement à ce nouveau monde hostile et imprévisible. Peut-être s’épuisait-elle dans cette démarche pour trouver un peu de sens dans ce qui n’en avait plus, pour créer un quotidien qui l’empêchait de tout remettre en doute et de s’attarder sur le passé. La richesse de sa famille n’avait pas aidé ses parents à survivre, leurs énormes immeubles avaient fait de bien piètres murailles face aux créatures… Un travail de toute une vie réduit à néant, détruit aussi facilement qu’un château de cartes. Mais Constance était encore en vie et elle ramassera, à chaque fois, les cartes pour reconstruire quelque chose. Sinon, elle serait complètement perdue. 

Pour elle la survie n’était envisageable que par l’instauration d’une stricte organisation et de règles, et ça, elle l’avait bien fait comprendre à ses compagnons. Dans la base, elle s’occupait généralement de l’organisation de la vie quotidienne, un rôle bien embêtant qu’elle s’était elle-même attribué et qu’on lui avait concédé avec plaisir. Elle distribuait les tâches journalières, vérifiait l’approvisionnement et n’hésitait pas à rentrer en conflit avec celui qui mettait en péril cet équilibre déjà bien précaire. Grâce à ses études et son expérience, elle pouvait aussi s’occuper des malades et arranger certaines blessures, bien qu’elle manquait cruellement de matériel.

La jeune femme était persévérante, parfois même entêtée, ça se lisait dans son regard. Elle savait néanmoins garder son sang-froid dans les situations délicates. Elle était de nature réfléchie et maudissait ceux qui mettaient le groupe en danger par leur comportement impulsif. Ce n’était pas une grande joueuse, elle pensait qu’il valait mieux assurer ce qu’elle avait que d’essayer de récupérer ce qu’elle avait perdu, comprenait par là qu’elle pouvait laisser quelqu’un livré à lui-même si jamais elle jugeait que la situation était fichue d’avance et qu’il était trop dangereux pour le groupe, ou elle-même, d’intervenir. Peut-être que si elle continuait d’aller toujours de l’avant, elle échapperait à ses remords, restant ainsi droite et fière. Mais c’était plus facile à dire qu’à faire, s’arrachait le coeur l’arrangerait bien pour garder loin d’elle ces sentiments qui perturbaient son jugement, après tout ce monde ne laissait de la place qu’aux monstres désormais.