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Isaak Salavia


 

“ Maman? Maman, qu’est-ce qu’il se passe?”

 

Un énorme fracas avait retenti dans la petite chaumière qui s’élevait sur deux étages. La porte avait cédé, laissant entrer une vague de soldats hurlant, sans qu’Isaak ne puisse comprendre un seul mot. Le jeune homme avait seulement pu distinguer parmis tout ce tumulte, le cri horrifiant que sa mère avait poussé. Ce son strident avait paru éteindre tous les bruits environnant, résonnant dans l’esprit du jeune homme jusqu’à ce que son sang ne se glace. Alors qu’il s’était apprêté à descendre, Isaak avait entendu une voix grave, qui couvrait totalement les de plus en plus faibles que sa mère exhalait. “Vérifie s’il n’y a personne d’autre”. Du haut de ses 19 ans, le jeune homme n’avait pas su jouer les héros. Une peur dont il avait terriblement honte aujourd’hui avait pris le dessus, le poussant à se cacher pour survivre. Il avait laissé sa mère agonisant, pour sauver sa propre vie. Alors, sachant pertinemment que les placards n’étaient en aucun cas une bonne idée de cachette, le jeune homme s’était empressé de sortir par la fenêtre, grimpant ainsi sur le toit fragile de la petite maison. Il avait attendu là, complètement replié sur lui-même, priant pour qu’à son retour, sa mère soit encore en vie. Après quelques minutes qui lui semblait avoir duré une éternité, la chaumière s’étaient vidée de tous les bruits, retournant à son calme habituel. Sauf que quelque chose n’allait pas. Le calme environnant était beaucoup trop pesant. Isaak s’était empressé de descendre du toit. Il devait vérifier que sa mère n’avait rien. Ou du moins, rien de grave. Seulement, le jeune homme aurait préféré ne jamais être descendu jusqu’au rez de chaussé. La vision de sa mère, étendue de tout son long sur le sol boueux, immaculée de sang et mourante hantait toujours son esprit. Il s’était arrêté quelques secondes, fixant cet effroyable massacre. Il s’était ensuite précipité vers le corps faiblissent de sa mère, demandant pardon entre de terribles sanglots. 

Cet assassinat injustifié et arbitraire qu’il ne comprenait pas encore avait laissé le jeune homme en pleurs, sa mère agonisant dans ses bras.  Elle avait, dans un ultime soupir, prononcé ses dernières paroles, qui, encore aujourd’hui, se jouaient dans l’esprit du jeune homme, comme un douloureux requiem qu’il ne pourrait jamais oublier.

 

“ Ne t’excuse pas… Je n’aurais pas voulu que tu meures… Mais tout… Tout ira bien pour toi. Va seulement dans la forêt…. Ils… Ils t’aideront…”

 

Et lorsqu’elle avait poussé son dernier souffle, c’était tout un monde qui s’était effondré. Isaak n’avait jamais vraiment eu d’amis ici. Et il avait considéré qu’il n’en avait pas vraiment besoin, tant que sa mère était à ses côtés. Il l’avait toujours aidé. Il avait travaillé pour maintenir un niveau de vie suffisant. Ils n’avaient jamais vécu dans le luxe, leur chaumière menaçait à chaque tempête de s’écrouler et ils avaient tout juste assez d’argent pour manger… Mais sa mère et lui avaient toujours été heureux ensemble. Et maintenant? Maintenant qu’elle n’était plus là, à ses côtés, qu’allait-il faire? Une vague incessante de questions se déchaînait dans son esprit. Pourquoi l’avaient-ils tué? Pourquoi elle? Qu’avait-elle fait? Quelque chose n’allait pas. Même si les soldats n’étaient pas réputés pour leur empathie, il était illogique qu’ils s’attaquent arbitrairement à une pauvre innocente. Et c’était pourtant ce qu’ils venaient de faire. Isaak se souvient de l’avoir déplacé jusqu’à sa chambre. Il l’avait déposée sur son lit, et l’avait couverte du plus beau tissu qu’ils possédaient dans cette chaumière, un drap transparent aux dentelles raffinées. Le jeune homme était même allé chercher les fleurs joliment disposé dans un vase, décorant le salon par leurs vives couleurs. Ces fleurs qu’il était allé cueillir, quelques jours plus tôt, pour voir son visage s’illuminer… Ces fleurs qu’il avait alors disposé sur le lit, en guise d’une modique sépulture. La seule chose qu’il pouvait désormais faire pour elle, c’était de suivre ses derniers conseils. Il devait aller dans la forêt. Il ne savait pas pourquoi. Il n’avait aucune idée de ce qu’il pouvait y trouver là-bas qui l’aiderait. “Ils t’aideront”. Mais qui étaient-ils? La seule forêt dont il avait entendu parler, c’était cet immense labyrinthe végétal, supposé être habité par ces sorciers tant craints des villageois. Le jeune homme, avec toutes les rumeurs qui circulaient sur ces sorcier que l’on disait dangereux, avait lui aussi craint ces individus. Alors il n’avait pas compris la volonté de sa mère, qui ne lui avait jamais parlé de cette forêt, et encore moins de ses habitants. Mais Isaak, comme guidé par une intuition, avait commencé à examiner la chambre de sa mère. Il voulait comprendre la raison de sa mort, et l’inexplicable sensation que la réponse se trouvait dans cette pièce même hantait son esprit. Il avait alors passé plusieurs heures à fouiller cette chambre remplie de souvenirs, mais aussi, de surprises. Le jeune homme avait découvert avec stupeur, de vieux grimoires, dans lesquels la moindre page était annotée d’inscriptions griffonnées par sa mère en personne. Les pages semblaient parler de potions, d’incantations, d’herbes dont il n’avait jamais entendu parler… Et tous ces manuscrits avaient été signés de cette douce et somptueuse écriture. “Mariah Salavia”. Isaak était tombé des nues. Le jeune homme était persuadé que tous ces anciens ouvrages servaient à pratiquer la magie. Et, encore plus surprenant, cette magie ne semblait pas offensive, ni même dangereuse. Au contraire, elle semblait pouvoir soigner différents maux et blessures. Il n’y avait presque aucun doute, sa mère était une sorcière. Mais désormais, il se demandait seulement pourquoi elle avait caché tout ça. Et la réponse n’était pas si illogique que ça. Elle avait voulu se protéger, et protéger son fils. Parce que le peuple était nourri d’une crainte infondée de la magie. Et ça, Isaak ne l’avait compris que maintenant. Désormais, tout semblait plus clair. Alors, sans plus attendre, le jeune homme avait emporté tous les ouvrages de sa mère qu’il avait pu, ainsi que quelques unes de ses affaires à lui, et, après avoir tout placé dans un sac, était sorti de sa maison. Perdre sa mère, c’était dur. Mais le plus dur avait été de quitter le corps de sa défunte mère. De quitter cette cabane qu’il aimait tant, et dans laquelle l’âme de sa mère résidait désormais à tout jamais. Il n’entendrait plus son doux chant résonner dans la cuisine. Plus rien n’animerai cette chaumière. L’agréable énergie qui y régnait autrefois était tombée, en même temps que le corps de sa mère. Tout était vide. Ou peut-être pas totalement. Peu après qu’il fut sorti, le jeune homme avait vu 5 membres de la garde royale courir dans la rue. En les suivant du regard, il avait aperçu ces enragés entrer à nouveau chez lui. Ça ne leur avait pas suffit, cet affreux massacre? Au moins, Isaak avait la sensation d’avoir emporté avec lui une part de sa mère. Ces livres étaient tout ce qui restait vraiment d’elle.Et désormais, il était prêt à quitter Alesthar. Maintenant qu’il avait quelques réponses à ses nombreuses questions, le jeune homme n’avait aucun regret à quitter cet horrible pays, auteur d’atroces crimes pour une cause insensée. Alesthar n’était plus chez lui, et il savait qu’il n’avait plus rien à y faire. Sachant qu’il aurait de grandes difficultés pour sortir de la forteresse, le jeune homme s’était caché dans la charrette d’un vieux paysan qui quittait le Royaume pour retourner dans ses champs. Les seuls sortants étaient les commerçants et les paysans. Les autres étaient condamnés à pourrir dans l’enceinte de cette forteresse, gardée par un monarque tyrannique et inhumain.

 

Lorsqu’il s’était extirpé de la charrette du paysan, Isaak avait apprécié cette agréable brise qui avait traversé les plaines pour venir caresser son visage. Mais il n’avait pas le temps de savourer la beauté de ces paysages nouveaux pour lui. Peut-être qu’en ce moment même, on le recherchait. Parce qu’on savait probablement que Mariah avait un fils et que, tout comme elle, il était une bête à abattre. Parce que peut-être que lui aussi était sorcier. Peut-être que lui aussi avait acquis ce caractère supposé être héréditaire...

 

Il lui fallait désormais trouver cette forêt. La seule chose qu’il ne savait pas, c’était comment atteindre ce fameux village où résidait paisiblement ces sorciers. Il s’était engouffré dans les bois les plus proches, à la végétation dense et tropicale. Puisqu’il était dans la forêt d’Alesthar, qui se situait donc au Sud, il avait décidé de remonter vers le Nord. La seule chose qu’il connaissait à propos de cette forêt était que, mise à part sa réputation de labyrinthe géant, ces bois perdus étaient supposés se situer approximativement au beau milieu des forêts des deux Royaumes. Son seul problème désormais, c’était de trouver ce village. Parce que, sans en connaître le chemin, les chances d’y arriver étaient minimes. Il s’était alors persuadé que, contrairement au bon nombre de gardes qui s’étaient perdus, revenant toujours sur leurs pas sans jamais trouver le village, Isaak réussirait cette première épreuve. Et il comptait sur le sang de sorcier qui coulaient dans ses veines pour trouver ce village. Enfin, si tenté qu’il  en ai. Après tout, il n’avait jamais montré aucuns pouvoirs… Peut-être que finalement, seule sa mère pouvait pratiquer la magie, et qu’Isaak n’avait rien hérité de sa mère de ce côté là... Et si Isaak mourrait ici?

Il avait erré près de trois jours, sans jamais rien avoir trouvé. Il s’était même persuadé qu’il ne trouverait jamais ce village, qu’il mourrait ainsi, sans jamais connaître sa vraie nature. Mais, alors qu’il était dans un état déplorable, affamé, assoiffé, et haletant de son manque d’énergie, quelques individus l’avait recueilli. Et avant de défaillir, Isaak avait pu constater que ce village, il l’avait presque trouvé seul. Quelques mètres de plus, et il aurait été aux portes même de cette citée des bois. Mais il y était enfin. Et il y serait en sécurité.

 

Isaak, encore aujourd’hui, se souvient de ces affreux jours. Depuis la tragédie, il avait passé ses journée à étudier la magie. Mais ça ne s’était pas avéré très glorieux. Malgré les grimoires de sa mère, et des explications qui y étaient fournies, le jeune homme semblait de pas pouvoir concocter de potions réussies. Malgré l’aide du doyen, le jeune homme n’arrivait pas à réaliser ce que sa mère avait écrit sur ces ouvrages. Alors, pendant son séjour, il en avait appris plus sur sa mère. Beaucoup semblaient la connaître, et tous regrettaient sa mort. Mais Isaak commençait à perdre espoir d’arriver un jour, à suivre les traces de sa mère. Seulement, c’était sans compter sur la trouvailles qu’il fit en parcourant, une énième fois, les précieux ouvrages. Il y avait trouvé, sur une feuille de papier à part d’un des grimoires, ce qui semblait être un arbre généalogique. Ce dernier rassemblait les ancêtres et leurs spécialités. Cet arbre semblait avoir été complété par différentes mains, et, en dessous du nom de sa mère, figurait les mots “remèdes de soins”. En dessous d’elle, le nom Isaak, qui semblait attendre impatiemment d’être à son tour complété. Si sa mère avait écrit son nom sur cet arbre comblé d’individus aux capacités occultes, c’était forcément pour une raison. Et Isaak avait repris peu à peu confiance en lui. Il était persuadé, en voyant cette lettre, d’avoir sa place ici. Persuadé qu’il trouverait lui aussi sa voie. Après tout, tous ces gens, pourtant de la même famille, n’avaient pas tous les même pouvoirs. Alors, après ça, il avait presque tout essayé. Avec l’aide des villageois, il avait essayé de manipuler l’eau, le feu, la préparation de potions, la télékinésie et bien d’autres… Mais rien. Découragé, il s’était lancé dans l’art du combat pour se rendre utile. Il n’avait pas abandonné ses recherches sur son potentiel combat. Il s’était simplement entraîné en plus. Il aidait alors simplement les habitants qui avaient quelques requêtes simples à lui faire. Plus tard, il avait même pu s’attaquer aux demandes plus dangereuses. Il avait décidé de jouer les protecteurs du village, malgré les conséquences que ça aurait pu avoir sur sa vie. Il était prêt à risquer de tout perdre pour veiller à la sauvegarde du village. Il s’était attaché à coin paradisiaque où avait vécu sa mère durant sa jeunesse…

Mais, lors d’un combat, bien loin du village, contre cinq membres de la garde royale d’Alesthar qu’il avait enfin trouvé ce qui pourrait être son don. Malgré la victoire de la petite troupe face aux soldats, un de ses coéquipiers avait été blessé par le coup de l’épé tranchante que lui avait infligé un des soldats. La petite troupe avait été horrifiée de voir ce jeune homme mourant, et Isaak s’était précipité vers son ami. Et tout s’était très vite passé, sans qu’il ne pu s’en rendre réellement compte. Isaak avait pu le soigner. Pas sans conséquences pour lui, certes, mais il l’avait soigné. L’énorme blessure que son ami avait au ventre avait totalement disparue, comme si elle n’avait jamais existée. Mais Isaak, lui,  avait ressenti une légère douleur. Et après avoir constaté les regards affolés de ses camarades, il avait vite compris. La blessure avait disparue du corps de son ami, mais elle s’était inscrite sur le corps d’Isaak, à son exact emplacement initial. Mais Isaak avait seulement souri. À 24 ans, il venait enfin de trouver son donc. Même s’il devait souffrir pour les autres, il était persuadé qu’en le travaillant, il n’y aurait pas autant de conséquences sur corps. Alors, en rentrant, il s’était entraîné longuement à tenter d’apprivoiser ses pouvoirs, mais aussi à devenir un meilleur combattant. Et il avait commencé à mieux maîtriser son don. Le jeune homme était épanoui dans son petit train de vie. Guerrier à mi-temps, et sorcier dans l’autre partie de son temps. Le jour de ses 26 ans, le jeune s’était juré de porter protection au village devant tout le petit peuple qui le formait. Et il n’était pas prêt de lâcher la promesse qu’il avait fait devant eux. Les aider était devenu sa première priorité. Au cours de ses 7 ans de vie ici, nombreux le connaissait. Il avait noué des liens avec tout ceux qu’il croisait. Il se sentait vivant. Il avait enfin l’impression d'appartenir à quelque chose, et d’être utile dans ce qu’il faisait. Ce village, c’était la seule chose qui le nouait encore avec sa mère. Et il n’était pas prêt de l’abandonner.

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•BlackWidow

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