Cela faisait désormais plus de 10 heures que Jesse se trouvait dans cet entrepôt délabré. 10 heures qu'il observait, de ses yeux brillants d'admiration, l'horrible scène de crime qui se dressait devant lui. Celle qu'il désignait comme étant magnifique. Enfin, qu'elle qualifiait de la sorte. Car c'était elle qui utilisait cet adjectif pour décrire ce qui se trouvait sous ses yeux. Mais après tout, elle avait raison. C'était beau. C'était somptueux, c'était grandiose, c'était... féerique. Seulement, quelque chose lui paraissait bien étrange. Malgré la beauté de la scène, il ne comprenait pas comment c'était arrivé. Oui, comment? Comment, et pourquoi? Si la situation paraissait pourtant évidente, aux yeux de Jesse, elle ne l'était pas du tout. Et, alors qu'il tentait de savoir qui avait pu, malgré la splendeur de la chose, commettre un tel acte, une phrase se répétait inlassablement dans son esprit. "C'est toi, c'est toi qui a accompli une telle merveille." Oui, il n'y avait pas de doutes, il était bien l'auteur de ces monstruosités. Et d'ailleurs, il tenait infatigablement, depuis plusieurs heures déjà, l'arme du crime dans ses mains. Cette cisaille, cet outil d'apparence innocente, qui, malgré tout, eut servit à faire subir la plus atroce des souffrances à un pauvre jeune homme.  Cet individu complètement défiguré, et partiellement démembré, dont il ne connaissait d'ailleurs pas le nom, était mort, torturé d'une manière des plus atroces qu'il soit. Et c'état ça qui était somptueux. Alors, qu'il ait souffert, ça n'importait pas. Car c'était beau. C’était beau, c'était magnifique, c'était ce qu'elle lui répétait. Mais, autre chose se jouait dans son esprit, au même rythme qu'une douce et apaisante chanson. "Tu l'as fait, c'est si beau. Regarde, regarde ce que tu as fais!" Il ne comprenait pas. C'était lui, qui venait de réaliser une si belle scène? C'était lui, qui avait créé quelque chose d'aussi beau? C'était donc à lui que ce corps, dans lequel il se sentait pourtant comme un simple visiteur, appartenait? Jesse, c'était donc à la fois cet esprit qu'il était, mais aussi ce corps? Cependant... Il n'avait pas le souvenir d'avoir tué quelqu'un. Alors, comme d'un réflexe, il avait d'abord fixé la cisaille, qu'il tenait fermement de sa main droite, avant de faire traîner son regard jusqu'au corps inerte du jeune homme. Et dès l'instant où ses yeux se posèrent sur ce cadavre ensanglanté, une multitude de scènes, aussi d'une durée aussi brève les unes que les autres, lui revirent en mémoire. C'était comme si une foule de flashs défilaient sous ses yeux émerveillés, sans lui laisser le moindre répit. Seulement, cette masse de souvenirs formait un immense désordre, que personne de censé n'aurait pu comprendre. Entre vérité et illusion, tout se confondait, pour ne laisser place qu'à une fable chaotique, sans réel sens. Mais ça, Jesse ne le voyait pas. Pour le jeune homme, tout semblait faire sens. Tout ce qui formait ses souvenirs, tout ce qu'il pensait avoir achevé, n'était en réalité qu'un magnifique mélange entre authenticité et mensonge. Sans le savoir, il était perdu entre illusion et vérité. C'était un joyeux bordel, où des actions non faites se retrouvaient pourtant dans ses souvenirs, des actions irréelles, qu'il était persuadé d'avoir réalisé. Mensonge ou réalité, pour Jesse, c'était la même chose. Tout ce qu'il voyait défiler dans son esprit était vrai.

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En réalité la seule chose qui s'avérait être d'une véracité sans failles, c'était bien les images du meurtre. Pour le coup, la scène qui défilait dans son esprit reproduisaient à la perfection ce qu'il s'était passé 10 heures auparavant. Des images violentes, mettant en scène des actes inhumains et d'une immoralité incontestable. Des images déstabilisantes, qui auraient provoqué, à coup sûr, un immense sentiment de dégoût, une horreur intense, à toute personne qui aurait été le malheureux témoin de cette scène. Même les mots pour décrire de tels actes étaient encore trop faibles. Cependant, la réaction de Jesse ne fut pas celle que l'on aurait pu attendre d'un individu lambda. Non, la vue de ces images provoqua chez ce jeune homme un fou rire, des plus horrifiants. Un rire glaçant s'échappait de sa bouche. Un rire qui exprimait toute la démence d'un homme insauvable, complètement perdu dans sa folie. Et il riait de la sorte, sans pouvoir s'arrêter. Cet homme, il n'y avait aucun doute, était complètement malade. Mais qui le savait? Personne. Personne, pas même lui. Après tout, elle le lui avait dit, et le répétait encore, ce qu'il venait de faire était beau. C'était magnifique et, là aussi, elle le lui avait dit, il fallait recommencer. Oh oui, recommencer, c'était tout ce qu'il attendait. Recommencer, sans plus jams s’arrêter!