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Les Mains en Or

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“J’ai une urgence, mademoiselle. Si j’appelle l’hôpital, mon fils sera mort. C’est pour le cœur. Le cœur mademoiselle. Pitié… N-Ne… Ne me refusez pas!” 

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Inondée par un intense silence, la petite pièce, dans laquelle baignait une aveuglante lumière blanche que projetaient les quelques lampes accrochées au bas plafond, souffrait d’une tension presque insoutenable. Pas un mot. Pas un souffle, ni même un froissement de vêtement ne venait troubler la concentration de la jeune femme, vêtue d’une blouse soigneusement repassée, immaculée d’un blanc aussi pur que les murs et le mobilier de la pièce. Le masque qu’elle portait ne dévoilait de son visage que ses magnifiques yeux bleus, brillants d’une concentration déconcertante. Rivés sur le travail appliqué et risqué auquel elle s’appliquait, rien n’aurait pu détourner son attention de ce corps ouvert, dans lequel diverses pinces dansaient, au rythme effréné des secondes qui passaient. Un rythme imperceptible, accompagné de ce terrible silence qui régnait en maître dans la petite salle lumineuse. Une salle où deux corps seulement se tenaient. L’un inerte, plongé dans un sommeil artificiel, l’espace de quelques heures seulement, l’autre actif, s’épuisant dans une course contre la montre qu’il ne pouvait perdre. Un salle où le pesant silence venait de se briser, par le tintement d’une pince jetée dans le plateau en inox, où traînaient de multiples outils de la même matière. De ce plateau, la petite main gantée vint dérober une fine paire de ciseaux, qu’elle fit à nouveau danser dans les entrailles du corps inerte. Un jeu périlleux, dans lequel la vie d’un être était la mise. Une mise qu’il ne fallait pas perdre. Un jeu contre le temps lui-même, qui, pour cette mise immense qu’était la vie, ne ferait aucun cadeau.

 

tic-tac

 

Des urgences comme celles-là, la jeune femme en avait rarement eu. Le coeur. Un organe bien trop important, pour en ignorer le mauvais fonctionnement. Bien trop nécessaire à la survie du corps pour le laisser dans cet état dangereux, où les fiers battements ne l’animent plus, le laissant alors à mi chemin entre la vie et la mort. Trois heures. Au maximum quatre. C’était la durée de vie de cet organe, roi de la vie. C’était court. Bien trop court. Et personne n’était prêt à se sacrifier pour permettre à ce jeune garçon de reprendre sa vie là où elle s’était arrêtée, l’espace de quelques instants seulement. Personne, sauf peut-être sa propre mère. Mais, et si on lui proposait une autre solution? Lui offrir le droit de vivre, et de voir son petit être grandir, comme si jamais rien ne s’était passé? Comme si jamais la mort n’était venue toucher de son macabre doigt, les cheveux de son tendre petit? Ça n’était pas refusable. Non, personne ne pourrait refuser un tel cadeau. Mais ce cadeau, pourtant, personne ne pouvait le lui offrir. Personne, à l’exception d’une seule femme. Et c’était cette même femme qui s’activait à la préparation du plus beau don qu’une mère pouvait recevoir: la vie de son enfant. Oui, elle était la seule capable d’offrir une telle chose, même si pour cela, elle devait défier la loi. La seule car même les urgences n’auraient été capables de satisfaire pleinement un tel souhait. Ou du moins, pas toutes. Il fallait tomber sur le bon service. Le service, à la tête duquel le chef avait accepté la proposition peu ordinaire de la jeune femme. Un contrat d’un secret absolu, à la légalité bien trop douteuse pour être connu de tous… Et c’était l’unique service, malgré tous ceux qui pouvaient être répartis sur les trois hôpitaux des alentours, à bénéficier d’un tel contrat. Un contrat peu légal, auquel s’était pourtant risqué le chef de service. Mais après tout, peu importait. C’était un compromis, auquel il fallait se risquer, pour sauver la vie, pour la retirer des terribles bras de la mort. Une vie, échangée contre une autre, bien moins légitime d’en profiter que celle à sauver. Mais ça, personne n’en saurait quoi que ce soit. Choisir qui devait vivre, et qui devait mourir pour préserver la vie d’un autre ne la concernait qu’elle. Un choix, que son contractant préférait oublier, par soucis de moralité. Mais il avait signé. Il avait signé, et s’il tenait à sauver un gamin de cinq ans, alors il fallait qu’il lui permette de faire disparaître un homme de soixante. Des concessions, elle aussi, avait dû en faire. Et alors, si ce service des urgences lui faisait appel, c’était pour des graves cas, d’une rareté presque inouïe. Et elle ne lui en voulait pas, à ce chef, d’éviter d’avoir recours à ses services. Après tout, pouvait-il vraiment se risquer à lui demander son aide, au péril de sa carrière? 

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tic-tac

 

Les pinces dansaient toujours, dans ce petit corps d’une dizaine d’années à peine. Ce petit corps qui recevrait la vie pour une seconde fois. Ce petit être que la jeune femme avait déjà eu l’occasion de voir à de nombreuses reprises, accroché aux jupes de sa mère fatiguée. Venant chercher de nombreux médicaments pour les problèmes cardiaques de son enfant, elle se rendait au moins tous les mois dans la pharmacie de la jeune femme, une lueur d’espoir dans ses yeux brillants. Le cas de ce petit garçon, elle le connaissait plutôt bien. Le médecin de ce dernier, envoyait tous les cas les plus graves dans son officine. Et ça n’était pas innocemment qu’il le faisait. Car avec lui aussi, elle avait un contrat. Plus important qu’avec l’urgentiste. Car cet homme, ce médecin, bien plus qu’un contractant, il était son associé. Alors, d’un commun accord, il proposait à tous ses patients dans le besoin d’une opération spéciale, pour laquelle la rareté de l’élément nécessaire à cette dernière faisait défaut au moyen légal de traitement, une autre alternative, que seule elle, était dans la capacité de proposer. Une alternative aussi effrayante que soulageante. Car après tout, quand la peur de la mort oppresse, la promesse d’une vie ne peut que réjouir, peu importe le compromis à faire… Et c’était ce compromis qu’avait aujourd’hui accepté la mère de ce pauvre garçon, dont le coeur défaillant et inerte se tenait dans le creux de la main gantée de la jeune pharmacienne.

 

tic-tac

 

Elle venait de se déplacer, déposant le petit coeur sans vie dans un plateau d’inox, dans lequel baigna bientôt une fine couche de sang. Au passage, elle extirpa de son récipient stérile, le nouvel organe, d’une forme exactement identique à l’ancien. Leur seule différence? Leur propriétaire d’origine. Mais ça, ça n’avait pas d’importance. Cela n’avait d’importance pour personne, à l’exception peut-être du malheureux qui s’était vu arracher son précieux organe. 2h50. Cela faisait 2h50 que ce symbole si significatif de vie avait été soustrait de son habitat. Du temps, il ne lui en restait que très peu. Beaucoup trop peu. Mais elle ne pouvait pas échouer. Elle ne pouvait laisser ce garçon mourir. Elle ne pouvait laisser un gamin de dix ans passer à côté de sa vie, alors qu’elle venait de sacrifier un homme qui, pour le coup, en avait largement profité. Non, elle ne se le permettait pas. Jamais elle n’avait failli à sa mission. Jamais elle n’avait échoué, et ça n’était pas maintenant qu’une telle chose s’abattrait sur elle. Mais le temps défilait, les minutes courraient, et ce coeur était toujours dans le creux de sa main. Ce coeur qui ne l’attendrait pas pour s’éteindre à tout jamais...

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tic-tac

 

La dernière couture. La dernière aiguille qui danserait au milieu de cette petite partie de poitrine. À nouveau, le coeur s’agitait, laissant pour seule trace de sa rupture momentanée, une évidente cicatrice sur le torse du jeune garçon. Vérifiant la perfection de son travail pour la dernière fois, la jeune femme ne s’étonna même pas de la précision presque époustouflante des sutures qui liaient l’aorte et l’organe. Ce coeur inerte quelques heures auparavant, s’était lentement mis à battre à nouveau, comme un premier jour de vie… Elle avait réussi. Ces heures de concentrations, ces longues minutes d’angoisse, et de précision avaient fait de son travail un véritable travail d’orfèvre. Refermer la poitrine à tout jamais, recoudre cette fine chaire, faire de cet organe rouge et vital, le prisonnier éternel d’un corps au nombreuses années devant lui… C’était l’étape suivante. Une nouvelle fois, les aiguilles et le fils interprétaient leur chorégraphie finale. Le clou d’un angoissant spectacle, où le destin incertain frapperait de ses doigts macabres et funestes son protégé éphémère au moindre faux pas… Mais une fois de plus, les applaudissements imaginaires retentissaient dans la petite salle d’opération improvisée. Des applaudissement fictifs, qu’une équipe chirurgicale aurait sûrement offert au vaillant et triomphant praticien… Oui, mais voilà. Le silence de la salle presque déserte venait seulement de se briser par le soupir de soulagement de la jeune femme. Tout était enfin fini. Tout rentrerait à nouveau dans l’ordre, pour ce petit garçon, ou presque. Une nouvelle vie venait de lui être offerte. Le sacrifice forcé d’un homme, pour ce don si précieux qu’était la vie. Un présent qu’elle avait déniché, emballé de sa plus belle précision, et offert, le tout contre une valeur bien moindre que ce qu’un hôpital aurait pu demander… Pour un travail d’une plus exacte perfection encore que ce qu’on aurait pu offrir à cette pauvre mère désespérée… Et tout ce travail était là, sous ses yeux. Sous les bruits continus et apaisants de l’une des machines qui entourait l’être de dix ans. Un travail merveilleux, d’une beauté sensationnelle, tant dans la technique que dans la symbolique. Donner la vie grâce à la science, c’était là, la splendeur de toute cette précision…

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Des mains d’or

 

À combien de reprises, elle avait entendu parler d’elle sous ce titre si gratifiant? Si peu de personnes avaient pu mettre un visage sous cette qualification, beaucoup avaient cependant eut de nombreux échos sur ce mystérieux chirurgien sans diplôme, au travail d’une précision pourtant majestueuse… Un pseudonyme utilisé tant par ses patients admirateurs, que par ses détracteurs. Car des détracteurs, mon dieu, qu’elle en avait. Mais elle s’y était attendu, dès le premier jour où elle s’était enfouie dans cette sombre et illégale affaire. "Et c’était un mal pour un bien", qu’elle avait pensé. Un mal pour un bien qui, jusque là, avait fait bien plus de bien que mal. Si certes, de nombreuses vies périssaient, dépouillés de tous ces organes aux valeurs inestimables, c’était contre cela que de belles vies pourraient à nouveau fleurir, évitant le tragique destin dont elles avaient été injustement frappées. Des vies infâmes, et illégitimes d’exister. Des vies que tout le monde voulait voir dépérir. Des vies dangereuses pour la société, la pourriture de l’Humanité… Alors ces êtres, ils pouvaient bien périr, se sacrifier pour laisser la vie, la vraie, celle qui revêtait de sa plus belle forme, s’épanouir. Au fond, toute cette médecine illégale, tous ces sacrifices n’étaient que d’utilité publique, elle le savait. Et, sous ce pseudonyme qu’elle avait lentement gagné, elle se sentait protégée. Ses “concurrents”, ces hommes aussi mauvais que ceux qu’elle sacrifiait, envieux des merveilles qu’elle édifiait, envieux de la fortune qu’elle accumulait pour cette activité illégale, ne voulaient certainement plus la voir prospérer en ces lieux. Ces hommes, avides de pouvoir, baignant dans ce trafic depuis sûrement bien plus longtemps qu’elle, n’acceptaient évidemment pas qu’un nouveau rivale vienne s’installer, sans s’excuser de rien, en ces lieux. Mais au fond, elle s'en fichait. Elle était leur rivale, et, contrairement à ces hommes pour lesquels elle éprouvait un mépris des plus intenses, elle avait bien plus à offrir à ses clients qu’un simple organe. Oui, elle était une rivale d’exception. Mais une rivale dont ils ignoraient pourtant tout. Le prénom, le nom… Et même le sexe, qu’ils se persuadaient sûrement masculin, au vu de l’illégalité absolue dans laquelle elle avait plongé. La seule chose qu’ils connaissaient? Ce pseudonyme. Ce pseudonyme gratifiant et mérité derrière lequel elle, Cheryl Chryseos, se cachait fièrement. Elle avait réussi. La reconnaissance, elle l’avait. La justice, elle la rendait à sa façon. Oui, elle Cheryl, avait enfin accompli ce que personne ne l’aurait cru capable de faire. Peut-être pas dans les meilleures conditions au niveau légal… Mais elle l’avait fait. Elle l’avait fait, et elle n’était pas prête de tout perdre. Purger la population de ces parasites, en repoussant un funeste destin tombant indûment sur de pauvres innocents. Le chirurgien aux mains d’Or continuerait de prospérer, son anonymat et son excellence avec. Cette société avait besoin d’elle et, avec ou sans lois, elle continuerait de se donner corps et âme pour cette vie qu’elle chérissait et haïssait tant à la fois. Elle était, un peu à sa façon, la justice de la vie. À la manière d’un dieu, décidant de la culpabilité d’un tel, entraînant cette sanction terrible qu’est la mort… Et échangeant alors cette vie gâchée contre la survie d’une autre, innocente et pleine d’avenir… Une justice défendue, que la loi, si elle en découvrait le jeu macabre, punirait bien durement…

 

Et ce risque, elle le prenait. Elle l’embrassait, peu importe ce qu’il devrait arriver. 

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- Mademoiselle? Le corps, qu’en fait-on?

- Ah, laissez-le. Je dois vérifier si les autres organes sont en état. Certains de mes patients nécessitent une greffe dans le mois, je les ferais venir en urgence si certains sont à garder. Cela fait 5 heures qu’il est mort, c’est cela?

- Exact. Alors, on s’en débarrassera après. 

- Discrètement. Tâchez de déshonorer son corps. D’ailleurs, son frère n’est pas mieux que lui. D’ailleurs, la liste est-elle à jour? 

- Presque. Nous travaillons sur les déplacements de votre homme politique actuellement. Ce sera une cible assez… Assez compliquée, évidemment. Pour le reste, nous sommes en train de réunir les dernières informations concernant quatre ou cinq personnes, et la moindre petite information sera actualisée.

- Parfait. Ce soir, je ne pourrais surveiller le gamin de dix ans que je viens d’opérer cette fin d’après-midi. Si vous pouviez rester dans les locaux, derrière la pharmacie, cela m’arrangerait beaucoup. Si quelque chose ne va pas, vous n'aurez qu'à m'appeler, j'essaierai de venir au plus vite.

- Pas de soucis, mademoiselle. C’était la transplantation cardiaque… N’est-ce pas? On s’en chargera, avec Dree.

 

Ce regard éternellement froid, ce visage continuellement figé de cette glaçante, mais envoûtante impassibilité... Rien ne semblait jamais la toucher. Une froideur qui ne pouvait laisser de marbre, tant elle était déconcertante. La confiance qui se dégageait de cette jeune femme était si évidente qu'elle ne pouvait laisser personne indifférent, tant dans ce détachement total qu'elle semblait porter pour tout ce qui l'entourait, que dans cette élégance déroutante qu'elle possédait. Et cette élégance, cette classe d'une beauté singulière, qui faisait se retourner bien du monde sur son passage, lorsqu'elle arpentait les rues avec cette allure de femme fatale, ne pouvait qu'interpeller. Un charisme mystérieux qui embaumait sur son passage, la rue de cette chose impénétrable qu'elle dégageait. À ça, de cette jeune pharmacienne toujours bien apprêtée, et d'une classe déroutante, personne n'aurait pu douter de ses activités toutes aussi sombres que l'air impassible qui, éternellement, glaçait son beau visage. D'ailleurs, personne ne se serait même douté du métier de pharmacienne qu'elle exerçait.. Un métier, qui n’avait pourtant pas été son premier choix. Mais, les circonstances l'avaient amené ici, et c'était avec ce diplôme, et cette officine dont elle était propriétaire, qu’elle l'exerçait, ce métier. Un métier, à la parfaite et idéale couverture de sa véritable, et principale activité. Oui, couvrir la petite fortune que lui apportait ses transplantations illégales et le trafic d’organe sous-jacent, c’était bien là, la réelle utilité de cette pharmacie. Et lui apporter ses clients, bien évidemment. L’illusion était parfaite. Une illusion excellente, qui n’était pas prête de s’évanouir…

 

Déposant délicatement quelques documents sur son bureau, Cheryl s’était finalement levée. Un dernier patient l’attendait. Le dernier de cette longue journée. Une greffe de rein. L’organe, dans un état presque remarquable, avait été, la veille, violemment dépouillé de son propriétaire, qui lui, remarquable, ne l'était pas du tout. La petite salle, toujours baignée de cette aveuglante lumière blanche,  n'attendait désormais plus que son prochain patient. Une nouvelle transplantation, que Cheryl réussirait, sans la moindre embûche, elle le savait. Une opération qui lui vaudra les milles compliments, et la haine de cette mafia lamentable, qui persistait minablement à la considérer comme leur rivale. Mais la jeune femme, elle, n'était pas dans ce jeu-là. Ses enjeux, face à l'illégalité de son activité, n'était pas les mêmes, bien au contraire. Plus honorable, son travail ne pouvait être associé avec celui de ces sombres charognes, avides de pouvoir et de fortune. Car elle, Cheryl, ne revendait pas la vie des innocents, au prix le plus fort, pour des opérations à la réussite douteuse. Si elle, le "chirurgien aux mains d’or", était leur ennemi, leur nouvelle cible, leur obstacle obstruant leur succès, alors soit. Car la réciprocité n'était même pas envisagée. Ils pouvaient la traquer, trafiquants, ou même police, elle était plus protégée que jamais. Prête à leur montrer que les fautifs, ça n’était pas elle, mais bien eux. Après tout, ne faut-il pas faire des sacrifices, dans la vie? C’est ce qu’on lui avait tant répété. Alors, maintenant, voilà. Et les leur donnait, tous ces sacrifices. Oh, oui, des sacrifices, elle en faisait. Beaucoup. Peut-être trop. Mais c’était grâce à elle que cette ville se voyait, petit à petit, purifier des êtres les plus infâmes que le monde pouvait porter dans ses entrailles. Des êtres que, pour rien au monde, elle ne regretterait d’avoir tué. Ils ne méritaient pas leur vie, cette chance inouïe que d’autres, étaient sur le point de perdre, pour d’affreuses injustices qu’un destin trop haineux leur faisait subir. Et, en cette fin d’après-midi encore, elle réparerait ces injustices, de ces mêmes mains d’or dont on ne cesserait de vanter les mérites... 

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La véritable justice, c'était elle. Une justice incomprise, que la morale, dans son fond, ne pouvait rejeter comme d'immondes et immoraux actes. Elle le savait, tout ce qu'elle avait accompli jusque-là n'était que d'utilité publique. Oui, elle était la justice des malheureux, et le terrible destin des hommes abjects que ce monde portait en lui. Éradiquer la misérable vie d'un être infâme, pour sauver celle d'un innocent, était-ce vraiment, ça l'immoralité?

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